Dans l’élan parfois non contrôlé de la campagne électorale, il a été question de faire bénéficier a priori, les policiers et sans doute les gendarmes de la présomption de légitime défense. Cela fait suite à un événement survenu le 21 avril 2012 à Noisy le Sec en Seine Saint Denis. Présomption de légitime défense, mais qu’est-ce-que c’est que cette bouillie pour chats ?
Fidèle à son habitude de toujours vouloir légiférer dès que survient un événement médiatisé, Nicolas Sarkozy, devant les manifestations des policiers, proposa que ces derniers bénéficient de façon systématique de la présomption d’innocence.
Ce 21 avril au soir, un policier a blessé mortellement avec son arme de service, un individu qui l’aurait menacé à l’aide d’une arme à feu et qui, selon ce qui semble établi, s’enfuyait. L’autopsie a permis de savoir que la victime aurait été atteinte dans le dos. L’enquête pourra sans doute établir s’il y a eu ou non ricochet du projectile.
Il s’est avéré ensuite que ce fuyard était un multirécidiviste très défavorablement connu pour ses nombreux antécédents judiciaires et condamnations. Mais ceci ne constitue pas une excuse même partielle pour le policier.
Le juge au vu des éléments dont il dispose, a mis en examen le policier auteur du coup de feu pour « homicide volontaire ». Et c’est cette qualification pénale qui suscite maintenant la colère de ses collègues au point que plusieurs manifestations de soutien ont eu lieu dans notre pays.
Dire que les policiers bénéficieront systématiquement de la présomption de légitime défense les placerait dans une catégorie qui échappe aux règles habituelles du code pénal. Cela ferait d’eux une catégorie supérieure placée au-dessus des lois, il y aurait rupture de l’égalité de tous devant la loi. Déjà existe la présomption d’innocence, elle est acquise pour tous, et elle doit être considérée comme un principe intangible. Par contre la présomption de légitime défense a de quoi faire dresser les cheveux sur la tête d’un pénaliste parce qu’il ne s’agit plus d’un principe mais d’une donnée matérielle de l’enquête.
Si cette règle était retenue elle obligerait le juge d’instruction ou le procureur à engager son enquête d’une façon bien curieuse. Ils ne pourraient qualifier l’infraction parce que celle-ci serait excusée par les conditions de la légitime défense. Il s’agit en effet d’une excuse dite absolutoire. Il n’y a ni crime ni délit lorsque des faits ont été commis en légitime défense.
Ces conditions au nombre de trois : agression actuelle, agression injuste et riposte proportionnée à l’attaque, définissent de façon précise la légitime défense. Si le juge d’instruction au vu des éléments d’enquête, estime que ces conditions ne sont pas réunies, il devra néanmoins faire comme si elles existaient et s’en remettre au jugement qui seul sera capable d’apprécier. Il serait tenu non seulement par le principe qui veut qu’un mis en examen n’est pas coupable tant qu’un jugement ne l’a pas reconnu comme tel (présomption d’innocence) mais également par l’obligation de considérer que la légitime défense est préalablement acquise (présomption de légitime défense). Curieuse position qui serait alors la sienne.
En fait les policiers et leurs syndicats ont servi, sans vraiment en prendre conscience, un argument électoral portant sur la sécurité. Ce corps d’Etat fortement syndiqué, (à hauteur de plus de 60%) a soif de reconnaissance. Cela est bien normal pour une profession difficile.
Mais ce qu’ils réclament en réalité, est autre chose que la présomption de légitime défense. Leur colère trouve sa source dans le fait qu’un policier mis en examen est également empêché d’exercer et ipso facto privé de ressources. C’est ce point qui les ulcère. Ils demandent qu’un policier mis en examen, puisse encore bénéficier de son traitement. Ce serait là une scrupuleuse application de la présomption d’innocence.
Ce projet de légiférer de la sorte en reconnaissant aux policiers un statut pénal dérogatoire, s’est heureusement perdu dans les nimbes d’une défaite électorale annoncée.
Je partage certes une bonne partie de la réflexion, mais je suis étonné que nul ne parle de la manière dont certains policiers ont utilisé les moyens du service pour manifester.
N’y a t’il pas là un abus grave ?