Comme souvent cher Monsieur Vallet, le scientifique que vous êtes fonde son argument, ici la mondialisation sur des constats irréfutables et argumentés auquels on ne peut que se rallier en toute bonne foi. Je suis bien d’accord avec vous, la mondialisation est inéluctable et il serait vain de le nier. J ’ajoute qu’elle nous protège de conflits majeurs, même s’ils ont pris d’autres formes plus sournoises, la guerre économique ayant parfois des conséquences moins sanglantes mais presqu’ aussi douloureuses que la guerre tout court, sur les populations.
Et puis soudain, au moment de la conclusion, tout dérape et la belle argumentation se colore très vite d’un fond de conviction et d’ assertions toute faites qu’il n’est pas obligatoire de partager. Par exemple :
Certains ont :
Favorisé la recherche fondamentale, seule source de nouveau et de retombées compétitives.-
Stimulé l’acquisition des connaissances dans le domaine scientifique.
Permis le développement des PME, structures innovantes et créatrices d’emplois.
Visiblement, "les certains", ce serait les autres. Qui au fait ? Ce que je préfèrerais dire, c’est que la montée en puissance de l’industrie productiviste asiatique a commencé dans les années 70 par l’irruption du Japon sur nos marchés de consommation. Que la satisfaction immédiate et rapide des besoins de consommation par une offre abondante et massive (électronique grand-public, automobile) a éteint les capacités productives occidentales et nous a fait confondre science et technologie. Les japonais eux-mêmes, concentrés sur leurs conquêtes commerciales n’ont pas investi non plus dans autre chose que la énième déclinaison de principes étblis ailleurs depuis longtemps et sans qu’un nouveau "breakthrough" scientifique ne vienne jamais rebattre les cartes et nous permettre de rebondir. Les chinois ont pris le relais depuis et mis les japonais dans leurs cordes. Les indiens suivront. Eux par contre ne reproduisent pas les mêmes erreurs et ont intégré depuis longtemps, la nécessité du progrès scientifique dans leur développement, ce qui les rend beaucoup plus redoutables.
Nous, nous avons baissé les bras. Nous avons laissé la parole aux consommateurs et endormi les citoyens sous une fausse abondance. Nous nous sommes concentrés sur notre confort, notre durée de vie et c’est tant mieux. Nous avons consacré beaucoup d’argent et d’énergie à la recherche en biologie ou en médecine et en avons recueilli de superbes fruits. Qui génèrent aussi des charges nouvelles et qui agravent notre situation, hélas. Mais nous avons aussi une démographie dynamique et porteuse d’espoirs et de croissance, si on veut bien cesser de nous rabâcher les oreilles avec la nécessité d’une décroissance écologique.
Alors, il nous faudrait plus de PME ? Oui, certes. Mais il nous faudrait d’abord plus d’ entrepreneurs et moins de fonctionnaires. Plus d’acteurs et moins de commentateurs. Plus de risques et moins de confort. Cessons de rêver aux PME allemandes qui seraient la solution à tous nos maux. Elles ont aussi leurs fragilité, tirées qu’elles sont , par une industrie mécanique consommatrice de machines-outils, mais pour combien de temps encore ? Commençons par enseigner l ’anglais de manière efficace à tous nos jeunes et accepter que la domination mondiale d’une culture "globalisée" ne signifie pas extinction de la notre. Cessons de matraquer ou de stigmatiser ceux qui réussissent et sont capables de créer et d’entraîner. Poussons nos jeunes hors de nos frontières s’ils n’ont plus assez de place dans le confort de leur terroir. Leurs grands-parents l’ont fait avant eux et souvent de force. Ouvrons nous au monde, au marché et à ses règles. Sa sanction est sans appel, mais il est vaste et laisse toujours de la place aux plus agiles, aux plus adroits, au plus travailleurs pour y faire leur place. Cessons de chercher des boucs émissaires, ce n ’est que du temps perdu. En particulier quand il s’agit "de marchés financiers" ou "d’ irresponsabilité bancaire". Les marchés financiers, cher Monsieur Vallet sont comme l ’air qu’on respire. Il peut être parfois puant, mais il est indispensable à la vie, comme le sont les banques à l ’économie. Je souris d’avance en pensant à ceux que M Hollande chargera d’investir dans les PME les ressources du livret A de nos concitoyens. Il y aura je pense d’intéressants débats, en particulier, du point de vue des garanties à obtenir en contrepartie. Seront-elles morales ou financières ?
Et lorsque vous nous proposez des solutions qui passeraient par une "lutte" contre
Le péril nucléaire.
La dégradation de la Biosphère.
Le retour des famines, malgré l’hyperproduction et l’hyperconsommation.
Les conflits ethno-politico-religieux.
On ne peut qu’y souscrire, mais en dodelinant de la tête comme le font les vieux qui assis sur leurs bancs devant leurs maisons regardent la vie qui passe et commentent le temps passé.
Que vous le vouliez ou non, nous avons atteint une sorte de plateau dans notre développement, parce que nous avons, comme je le disais plus haut trop souvent pris pour de la science ce qui n’était que de la technologie. Il nous manque un sursaut scalaire qui nous ouvrirait de nouvelles portes, comme l’ont fait en leur temps, la roue, la presse à imprimer, la machine à vapeur ou le transistor. Ma génération a vécu, la conquête spatiale, le transport supersonique, l’irruption des télécommunications. La votre nous explique que tout celà n’a servi à rien, parce que nous n’aurions découvert que des impasses et condamné notre planète. Soit, mais nous avons au moins rêvé. Vous le savez, les grandes découvertes ne se décrètent pas. Même si on injecte massivement de l ’argent public dans des laboratoires. Leur absence, par contre, engendre doute et pessimisme surtout quand ils sont amplifiés par des messagers porteurs de médailles dont ils s’efforcent à ne montrer que les revers.
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