« L’un des paradoxes de l’espèce humaine est sa capacité à créer des objets, physiques ou culturels, qu’elle va s’employer à rendre obsolètes. » D’après Eric Boeda préhistorien, archéologue Paris Nanterre.
L’éthologie montre que les singes sont capables d’exploiter les propriétés naturelles d’un caillou mais ce qui caractérise l’homme c’est sa capacité, depuis la préhistoire, à créer et à transformer les objets qu’il fabrique : premiers bifaces à un seul tranchant, bifaces taillés pour percer, racler, scier, etc... L’observation sur le long terme indique que tous les hommes ont cherché à modifier ces structures jusqu’à ce qu’elles deviennent obsolètes.
Les lignées d’objets se succèdent dans le temps, chaque nouvelle lignée répondant à un besoin sociétal que la précédente ne permettait pas, ou plus, de satisfaire.
Il a fallu un million d’années pour passer du stade 1 de l’acheuléen au stade 4. Aujourd’hui, pour les téléphones par exemple, le cycle est passé au mois !.
Tout s’est emballé au XIXéme siècle avec le capitalisme qui n’existerait pas si les objets ne pouvaient évoluer. Il a bien compris qu’il pouvait en tirer profit.
En ce qui concerne les outils culturels, le cheminement est semblable,
en beaucoup plus rapide encore ; l’actualité, catalysée par les promesses électorales, nous montre à la fois la quantité prodigieuse d’informations qui apparaissent puis immédiatement effacées et enterrées.« Des comètes événementielles, avec leur longue queue de commentaires apparaissent et disparaissent les une après les autres ;
du ciel de l’actualité, une autre apparaît déjà » Jean-Claude
Guillebaud. Nous vivons une impermanence explicative ; la nécessité d’aller vite, toujours plus vite, balaie chaque jour nuances et subtilités conceptuelles. Le concept de vérité nous file entre les doigts. Un tel sautillement langagier nous balade entre « une vérité » et son
contraire.
« Thèse, antithèse, ce qui nous manque désespérément c’est la synthèse ! » Guillebaud
Ne voulant pas s’autoriser le temps de considérer la complexité des choses, toutes les mesures prises par les dirigeants sont successivement abandonnées ; elles sont remplacées par d’autres, sans plus de succès. Comme les objets, elles deviennent obsolètes, inexploitables, d’où la conduite par une politique à vue. Bricolage et Incertitude règnent ! L’un des paradoxes de notre espèce est le développement d’une obsolescence structurelle.
Est-ce vraiment une spécificité humaine ?
La composition de nos cellules nous renvoie à l’époque où se sont formés les atomes, peut-être même au début de l’Univers, quand sont apparues les particules. Toute cette histoire cosmique est en nous .
Nous sommes les enfants du Cosmos, les enfants de la Terre, les enfants de la Vie. Une telle dynamique remonte à des milliards d’années ; c’est celle du monde physique d’où nous sommes issus. Les différentes structures atomiques et moléculaires, :physiques et biologiques, résultent de créations permanentes de structures qui se sont succédées dans le temps, chacune persistant plus ou moins longtemps suivant quelles remplissaient les conditions nécessaires ou non à l’adaptation, la persistance, l’extension.
Nos propres organismes sont eux-mêmes obsolètes.
Notre espèce a su échapper à la compétition à laquelle se heurtent les autres espèces vivantes, en divergeant de manière radicale, ce qui explique son succès. Notre volumineux cerveau nous a ouvert la voie d’un nouveau type d’évolution, l’évolution culturelle, au moins six fois plus rapide que l’évolution génétique. L’homme crée son propre environnement, il vit dans une société dont les lois s’imposent au déterminisme biologique ; aucune autre espèce, jusqu’à présent, n’a pu la rejoindre sur ce terrain. L’homme est donc « le triomphe de la divergence ! » Jean-Jacques Kupiec, biologiste.
Notre espèce est un arrêt sur image
Notre sort est imprévisible ! La pollution des corps et des esprits débouchera-t-elle sur une extinction, une métamorphose, une mutation d’aptative salutaire ? La croissance d’une espèce n’a jamais été infinie
Adaptée à son environnement, une espèce croît, se maintient et décroît, souvent à la suite des contraintes dues aux changements de l’environnement, interne ou externe. 95 % de toutes les espèces qui ont existé sont maintenant éteintes. La durée de vie moyenne d’une espèce serait de quelques millions d’années. Nous en sommes approximativement à 5 millions d’années, donc dans les normes. !
Avec la participation de Eric Boeda préhistorien, archéologue, Jean-Claude Guillebaud, Edgar Morin,Jean-Jacques Kupiec, biologiste. Et G.Vallet.