L’occupation spontanée des places espagnoles n’est pas politique au sens classique mais avant tout citoyenne et sociale. Elle n’est pas tournée vers un parti mais contre tous. La "génération sacrifiée" a décidé de ne pas l’être. Elle s’indigne.
Le corps social espagnol est inquiet. Le pays a eu ses "30 glorieuses". Tout était facile. L’argent coulait à flot. Il venait souvent de l’Europe. Le boom était là accompagné par la spéculation immobilière, la mise en place d’un réseau routier que l’on admire et d’un réseau TGV en passe de devenir le premier d’Europe....
On achetait son appartement avec des crédits à 30 ou 40 ans. On se payait, toujours à crédit, des voyages aux quatre coins du monde. Renault ne vendait pas ses twingo. Mercedes, BMW inondaient le pays.
Le tourisme, une industrie de services, cachait l’absence d’industrie elle-même.
La crise financière arrive en été 2008. La bulle immobilière éclate. Les touristes se font plus rares. Le chômage monte en flèche : plus de 21%. Plus du double de la moyenne européenne.
Trois ans plus tard, rien n’y fait. Pas de croissance. Pas de reprise dans l’emploi. La menace de l’effet domino règne : Irlande, Grèce, Portugal. L’Espagne en suite ?
La conviction que les politiques de gauche (PSOE) et de droite (PP) n’ont rien à proposer -cela fait 3 ans que rien ne change- et voilà que le printemps arabe trouve une application inattendue en Europe. Le village de tentes de la "Plaza del Sol" ne demande pas plus de démocratie mais simplement des perspectives : un emploi, un avenir. 41,27% des 20-24 ans et 27,24% des 25-29 ans n’ont pas de travail au sud des Pyrénées.
Les dernières élections partielles municipales et régionales ont logiquement marqué la déroute d’un PSOE sans idées. Imaginez que le bastion du sud, Séville, terre de Felipe Gonzales, est maintenant entre les mains du PP ! Un PP vainqueur par défaut car les "indignés" de la Plaza del Sol n’attendent rien ni des uns, ni des autres.
Les deux régions les plus riches de l’Espagne, la Catalogne et le Pays Basque, ont voté avec une défiance totale par rapport au pouvoir central. En Pays Basque, le Parti Nationaliste Basque et Bildu à eux deux font près du double des voix reçues par le PP plus le PSOE !
La coalition de gauche Bildu a créé la surprise, devenant la deuxième force politique du Pays Basque. Cette formation, créée spécialement pour ce scrutin a permis une présence indirecte de Batasuna, le bras politique interdit du groupe armé ETA. Bildu a frappé fort en remportant plus d’un quart des suffrages, derrière les nationalistes de centre-droit du PNV.
En Catalogne, la première force est l’indépendantiste CiU (Convergencia i Union) qui prend pour la première fois la mairie de Barcelone aux socialistes, au pouvoir depuis 32 ans. La CiU devient aussi le groupe de représentants le plus important pour la province de Barcelone.
Deux faits apparemment différents se rejoignent. D’un côté les jeunes, les "indignés", qui n’y croient plus et pour le moment occupent pacifiquement les places d’Espagne, et de l’autre les indépendantistes dans les régions qui ont le vent en poupe.
Au niveau national, le PP a gagné les élections avec 10 points d’avance sur le PSOE mais il lui faudra faire avec les "indignés" de la politique d’une part et les indépendantistes d’une autre.
Espagne : Qui pour effacer le doute ?
- par Ortzi Olaizola
PS : "El País" nous donne ici le "consensus minimum" proposé sur le site web des "indignés" de la Plaza del Sol. A@P vous donne traduction des 4 points d’accord. Beaucoup pourraient être repris en France.
1 - Une réforme électorale pour une démocratie plus représentative et instituant une vraie proportionnalité avec un objectif supplémentaire de développement de mécanismes de participation citoyenne. 2 - Lutter contre la corruption au travers de normes permettant une transparence politique totale. 3 - Séparation effective des pouvoirs publics. 4 - Création de mécanismes