Vous connaissez sans doute, parmi "Les contes cruels" de Villiers de l’Isle Adam, celui où un condamné à mort, qui va être exécuté à l’aube, découvre que la porte de sa cellule est ouverte.Il la quitte : les portes au bout des couloirs, les accès vers la sortie, sont également déverrouillés ; pas de gardiens, tout est désert, silencieux. Au moment ultime de franchir le seuil qui va le rendre libre, il sent une main se poser sur son épaule, et une voix qui lui murmure à l’oreille : l’espoir aussi fait partie du châtiment.
A la différence de ce conte, et au vu des différentes infos piochées ici et là concernant l’univers carcéral, l’espoir est en phase de devenir lui-même un crime.(Black is black, il n’y a plus d’espoir, chantait notre National Johnny). Voici donc un court état des lieux et une longue liste de chiffres (*1).
Au 01/01/2010 : 60978 détenus pour 54988 places (26% de prévenus, 3.7% de femmes et 1.1% de mineurs). Dans les maisons d’arrêt, certaines affichent une densité de 200% (3-4 personnes vivent sur 9m2). 115 suicides en 2009 (un tous les trois jours). Taux d’échec et de récidive pour les courtes et moyennes peines : environ 75%. Maman, prépare ma valise, mais prends la plus légère. Bon. Trop de prisonniers dans les prisons actuelles ? Construisons des prisons. Modernes, confortables. Inhumaines.C’est à dire d’une capacité d’environ 700 places chacune, puisque la majeure partie des acteurs concernés par ces programmes profère qu’au-delà de 200 places la déshumanisation s’opère. 200 places, c’est plutôt maigrelet comme marché, ça fait petit quartier résidentiel.
Pour désengorger les prisons, un programme de modernisation pénitenciaire se doit de créer au minimum 13200 places supplémentaires (pour un coût évalué de 1.4 milliards d’euros, mais les coûts de fonctionnement seront très très réduits -voir plus bas-). Plus nous créerons de places, plus nous remplirons, jusqu’au prochain débordement (l’administration pénitenciaire table déjà sur 80000 détenus en 2017(*2), mais nous ne serons plus là, alors, hein. Faut vivre avec son temps, messieurs. Mon cher Eiffage, tu as croqué ta part en 2006 (4 établissements), c’est au tour de Bouygues, ce petit coquin a tiré la fève en 2010 : Nantes, Annoeullin (59), Réau (77).
On appelle cela un Partenariat Public Privé. Construction et maintenance des lieux concédées au secteur privé (l’Etat n’étant que locataire, et sous contrat de location de 30 ans, où va-t-on Léon !?), (d’où réduction des coûts -moins de surveillants, d’intervenants sociaux, d’ateliers permettant une activité, un détenu sur cinq travaille actuellement- et augmentation des marges -sur la restauration, l’hôtellerie, par exemple(*2)-, suppute le personnel pénitentiaire). On ne peut pas mettre du beurre dans les épinards, qui sont déjà riches en fer.
Certes, et tous les acteurs s’accordent sur ce point : ces nouvelles constructions offrent un confort décent (douches individuelles, WC et lavabos isolés, petite veilleuse permettant aux surveillants les contrôles de nuit sans réveiller les détenus, création d’UVF (unités de vie familiale), etc). Mais, en contrepartie, cela se fait au détriment de la simple relation humaine (automatisation des portes, caméras, surveillants derrière des vitres fumées, oisiveté conduisant aux violences, aux auto-mutilations, etc).
Citons Philippe Auzenet (animateur du site prisons cité en référence (*1) : " La décision de construire de nouvelles prisons ne solutionnera absolument pas le problème des prisons françaises. Ce problème est non pas d’abord une question de manque de locaux, mais une question d’ état d’esprit des mondes judiciaire et pénitentiaire qu’il faut d’abord transformer et réformer en urgence. Il faut "sanctionner et relever efficacement", et non plus "punir et anéantir", comme les résultats actuels le manifestent hélas au grand jour. Arrêtons la casse ! Il faut aussi utiliser en plus grand nombre les peines de substitution, éviter au maximum les détentions provisoires, doubler ou tripler le nombre de travailleurs sociaux affectés dans les prisons.(20/01/2010)"
Il n’est pas fait état ici des transformations que la réforme judiciaire en cours va induire sur les citoyens, concernant notamment la disparition des juges d’instruction, pièce maîtresse de l’équilibre entre le Siège et le Parquet, permettant des recours qui semblent désormais être en fin de parcours.
Devrait se construire (réf : "Le Moniteur) en 2010, en PPP bien sûr, la tour des Batignolles, ParisXVII, 80000m2, 800 millions d’euros, qui accueillerait les bureaux des juges "parquetiers", fonctionnaires, experts de justice, et les locaux destinés à l’accueil des membres du barreau. 3 petites tours (30000m2) à côté, répartissant les limiers des grandes brigades de la PJ, criminelle, antigang, brigade de répression du banditisme. Le tout pour un montant de un milliard d’euros, soit 15% du budget annuel du ministère de la Justice. Mon p’ti gars, choisis ton camp.
Impossible ici de parler de tout. Donc, en vrac : La maison d’arrêt de Pau (la ville rêvée des TSCP) fut construite en 1860 et a un volume de 256 places -je crois avoir lu qu’elle ne déborde pas encore-. Comporte un atelier de façonnage, conditionnements (25 places), et de tissage Haute Couture (8 places), dont la maison mère est à Jurançon et fait un travail exceptionnel de réinsertion (cette info date de plus d’un an, lue à l’époque dans un quotidien local). Une radio : RPO, 97.00 FM. Une association d’aide aux victimes : APAVIM, 41 rue Bonado (données décembre 2006), avec une adresse mail. Tout ce vrac est à développer (mille excuses).
Enfin, pour paraphraser Daniel Sango : "Quand les citoyens s’éveilleront, souhaitons que ce ne soit pas derrière les barreaux..."
également : le Figaro et le Moniteur http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/01/19/01016-20090119ARTFIG00534-une-prison-flambante-neuve-fait-controverse-.php