Alternatives-Paloises : La crise que nous connaissons ne semble pas vous étonner. Comment expliquez-vous cela ?

Philippe Lafontaine : C’est simple, il suffisait de se souvenir que l’on ne peut pas s’enrichir durablement de 10% par an lorsque la croissance du PIB n’atteint que 2%. La conviction que je partageais avec quelques collègues et chefs d’entreprises était qu’à un moment ou à un autre la partie devait se terminer. C’est chose faite.

Alternatives-Paloises : Au niveau de l’Ecole, vous preniez en compte cette nouvelle donne qui tôt ou tard devait s’imposer ?

Philippe Lafontaine : De nouvelles valeurs doivent conduire notre modèle économique. La cupidité est une constante humaine. Croire l’inverse serait faire preuve d’aveuglement. Pour y faire face, il s’agit d’imposer une autre vision « sociétale », il convient de remettre l’homme à sa place comme finalité. Cette vision n’est pas nouvelle pour nous puisque depuis 11 ans, une « charte des valeurs » doit être approuvée par les élèves mais aussi les enseignants et collaborateurs de l’ESC.

Alternatives-Paloises : Vous opposez là l’Homme au profit. L’exercice est difficile...

Philippe Lafontaine : C’est l’absence de valeurs qui est la source de la crise, le reste sont des problèmes techniques. Et croyez-moi, efficacité, n’est pas le contraire des valeurs.

Alternatives-Paloises : Comment faites-vous pour mettre en avant cette vision « humaine » dans la pédagogie de l’Ecole ?

Philippe Lafontaine : Cela fait longtemps que nous disons aux jeunes, en économie, marketing, stratégie qu’il y a d’autres modes de développement que le + 10% annuel. Il s’agit de transformer les défis environnementaux et humains en opportunités de croissance et de profit. Il s’agit de former des jeunes capables d’inventer un nouvel avenir et non de reproduire les schémas du passé. Le fondement du marketing, c’est comprendre le monde.

Savez-vous que l’Ecole de Commerce de Pau a été la première Grande Ecole à introduire la philosophie dans ses enseignements ? Depuis, beaucoup d’écoles le font.

Comment faire du marketing international sans s’intéresser à l’Homme, son histoire, sa « philosophie de la vie » ?

Alternatives-Paloises : Vous mettez à mal le « capitalisme débridé » que nous venons de connaître. S’agit-il de concevoir ce qu’on pourrait appeler un « néo-capitalisme » ?

Philippe Lafontaine : Non, il s’agit plutôt de réinventer le libéralisme et d’éviter qu’il ne tombe dans l’excès. S’il ne s’autorégule pas, l’état doit alors intervenir. Mais il ne faut surtout pas décourager l’esprit d’entreprise, l’initiative. La recherche, la création doivent être des réflexions constantes pour s’adapter aux nouvelles exigences sociétales et environnementales.

La mondialisation est incontournable ; pour y faire face, il faut être toujours plus innovant. Regardez les avances technologiques de Turboméca (leader mondial des turbines pour hélicoptères) ou encore ARELEC (leader dans les aimants) et les nombreuses autres entreprises de notre région qui font de l’innovation leur priorité. Soyons fiers de nos entreprises !.

Alternatives-Paloises : L’ESC qui place l’Homme parmi ses priorités en est-elle récompensée ?

Philippe Lafontaine : L’Ecole va très bien. On a doublé nos effectifs en 10 ans pour atteindre les 1100 élèves. 85% des élèves viennent d’en dehors du Béarn dont 150 étrangers. Nous avons un plan à 5 ans d’extensions et de rénovations.

Un chiffre résume tout et montre que nous sommes dans le vrai : les candidatures au concours d’entrée 2009 augmentent de 27 % par rapport à l’année dernière ! Et 2000 candidats viennent à Pau passer les oraux.

Alternatives-Paloises : Y a-t-il des domaines où vous souhaiteriez aller plus loin que vous ne le faites ?

Philippe Lafontaine : Nous devons intensifier nos efforts dans de nombreux domaines et notamment dans nos alliances. Nous devons participer au renforcement de PAU en tant que pôle universitaire d’excellence et participer ainsi à toutes les initiatives qui vont dans ce sens.