Ce n’est pas un poisson d’avril, mais un poisson de mai
En ce jour de débat si attendu entre les 2 finalistes de la Présidentielle, amusons-nous à imaginer les conséquences d’une situation qui n’est retenue aujourd’hui par aucun commentateur politique, mais qui rendrait notre pays ingouvernable, sauf si...
Ce début de mai connaissant une météo exécrable dans le Sud-Ouest, on se croirait revenu au 1er avril ... Belle occasion d’imaginer, non pas un poisson d’avril, mais bien un poisson de mai politique.
En ce jour de débat télévisé si attendu entre les deux finalistes de la Présidentielle, confrontation traditionnelle et inévitable symbolisant le clivage (et l’affrontement) entre les deux principaux camps politiques français, amusons nous un instant à rêver à une situation qui n’est retenue aujourd’hui par aucun commentateur politique...
Dimanche 6 mai 20 heures, le visage de Nicolas Sarkozy apparait sur tous les écrans de France, le Président-candidat sortant est réélu avec 50,1% des voix. Joie et surprise à droite, les instituts de sondages se sont encore une fois trompés - et de belle manière !
Stupeur et consternation à gauche, il va encore falloir attendre 5 ans pour voir arriver l’alternance tant désirée !
Attentisme et interrogations à l’extrême droite et au centre, où l’on se demande comment tirer son épingle du jeu ?
Le nouveau Président qui se succède à lui-même nomme dans la foulée l’Aquitain Alain Juppé à Matignon, qui forme un gouvernement sans grandes surprises, à part l’arrivée de Claude Allègre, de quelques femmes issues de la "société civile", et commence à appliquer le programme du vainqueur, pendant que la sphère politique s’apprête à entamer les 3ème et 4ème manches du marathon électoral, à savoir les Législatives de juin.
Simple formalité, se disent les Français, lassés des discours, des promesses, et des tracts...
Elections de confirmation, comme d’habitude, commentent les commentateurs, tellement habitués à projeter le passé sur l’avenir, la voix enrouée et l’esprit déjà tourné vers un été synonyme de vacances tant désirées...
Et puis, après un 1er tour pas très significatif (à part un taux d’abstention dépassant 50%, et un soleil radieux sur la France), et à l’issue d’un entre-deux tours marqué (une fois de plus) par la chasse aux abstentionnistes, la sanction du 2ème tour arrive une semaine plus tard, et alors là, patatras !
A cause (ou grâce) à de nombreuses triangulaires, une journée grise et pluvieuse et à une forte mobilisation des électeurs de gauche, le pays envoie au Palais Bourbon une majorité rose-verte-rouge, qui gagne de peu, avec dix petits sièges d’avance, mais qui gagne quand même...
Match nul, 1 but partout, pourrait-on dire !
Le lendemain, c’est un Premier Ministre piteux et déconfit qui remet sa démission au Président Sarkozy, son gouvernement n’ayant tenu ... que 5 semaines !
C’est alors le casse-tête pour tout le monde - et en premier lieu pour un Président qui s’apprête à faire vivre au pays sa 3ème cohabitation en un quart de siècle.
Tout d’abord, qui nommer à Matignon ? Hollande, pas possible, le contentieux est trop lourd. Un centriste ? Impossible, la majorité le censurera illico. Sarko se résigne donc à désigner Martine Aubry, ce qui n’a finalement rien d’illogique.
Et la gauche commence donc à appliquer le programme de François Hollande, avec un Président enfin débarrassé de la tentation de descendre quotidiennement dans l’arène politique, qui se consacre aux affaires étrangères, et un peu plus à sa vie de famille, pour son deuxième et dernier quinquennat ...
Stupides, les Français ? Ingouvernable, notre bon vieux pays ?
Eh bien, pas du tout !
Au bout d’une année de ce régime, on constate, contrairement à tous les pronostics, que la méthode ne marche pas si mal. Dans une crise mondiale qui continue, il semble que la raison a enfin prévalu sur le sectarisme de tous bords ; bien forcées de s’accommoder, les deux majorités s’entendent petit à petit sur les mesures essentielles à prendre, et on voit avec surprise (ou amusement) quelques virages de position spectaculaires, la plupart du temps dans l’intérêt national - mais oui !
Et on se rend compte qu’avec sa grande sagesse, le Peuple Français n’a rien fait d’autre que de demander à leurs dirigeants qu’ils mettent (pour un temps ?) leurs incessantes querelles de côté en attendant la fin de cette maudite crise. Et qu’il a forcé les dirigeants à s’entendre à minima, quitte à abandonner leur vérité soi-disant révélée, et à négocier parfois durement pour arriver aux meilleurs compromis possibles, un peu comme dans la vraie vie (celle que nos concitoyens éprouvent tous les jours).
Signe d’une démocratie enfin adulte, ou accident de l’histoire ?
En tous cas, l’attelage bizarroïde durera 5 années, sans que qui que ce soit ne s’aventure à réclamer la dissolution de l’Assemblée ...
Politique fiction, bien sûr, mais cela pourrait bien arriver un jour, quel que soit le sens des deux aiguilles, celle de l’Elysée et celle de Matignon.
...et François se retira pour toujours à Bordères afin d’y parler à l’oreille de ses chevaux. Happy End.
> Poisson de mai, Sarko à l’Elysée, la Gauche à l’assemblée, et après ?
4 mai 2012, par Jacques Faget
Le Masque, il y a parfois des fictions qui ont une grosse apparence de réalité.