Actuellement, à l’occasion de la campagne électorale pour les présidentielles françaises, on nous rebat les oreilles sur la probabilité du taux d’abstention tel qu’il ressort des sondages. Si ces projections sont exactes, cette forme « d’inexpression » sera celle qui rassemblera le plus grand nombre de citoyens.
Selon les instituts de sondages, l’abstention pourrait être de l’ordre de 28 % à 32 %. Même si la fourchette est large, elle traduit un mouvement dont on ne peut se désintéresser. Par rapport aux résultats estimés des principaux candidats qui n’atteignent pas les 30 % au premier tour, il faut considérer qu’il y aura davantage d’électeurs qui ne voteront pas que d’électeurs qui s’exprimeront pour l’un ou l’autre des candidats en lice.
Mais il faut s’entendre très précisément sur les termes. L’abstentionniste est le citoyen qui, régulièrement inscrit sur les listes électorales, ne se rend pas aux urnes. Ne sont donc pas comptabilisés les électeurs qui votent blanc ou nul (environ 8 %) et ceux qui omettent, volontairement ou non de s’inscrire sur les listes électorales (environ 5%). Une addition permet ainsi d’établir que les électeurs potentiels qui ne s’expriment pas ou dont le vote n’est pas pris en considération avoisine les 45 % (32 + 8 + 5).
Rappelons quelques chiffres de l’abstention :
Présidentielle de 2007 : 16 %
Législatives 2007 : 40 %
Régionales 2010 : 53,6% (1er tour) et 49,5% (second tour)
Cantonales 2011 : 55,5%
Municipales 2008 : 35,5 % (1er tour) et 31 % (second tour)
Mais le record revient au référendum de 2000 sur le quinquennat qui a atteint un taux d’abstention de 69,8%
Pour mémoire rappelons qu’aux Etats-Unis par exemple, le taux d’abstention est de 58%. Il est calculé par rapport à tous les électeurs potentiels.
Se pose une autre question celle de savoir s’il convient de placer les votes blancs ou nuls dans la catégorie des suffrages exprimés ou dans celle des suffrages non pris en considération. Il y a là un vieux serpent de mer qui resurgit périodiquement. Entre ceux qui considèrent qu’il s’agit d’un moyen d’expression et ceux qui s’en méfient parce que les résultats seraient à analyser d’une autre manière, le débat n’a pas encore pris fin. Si l’on voit bien ce qui ressort du raisonnement de ceux qui y voient un moyen d’expression, il faut expliquer en quoi cela modifierait le résultat des votes. Pour être élu en France il faut obtenir la majorité absolue* des suffrages exprimés au premier tour et la majorité relative, de ces mêmes suffrages au second. L’inclusion des votes blancs ou nuls modifierait de façon conséquente le mode de calcul. Ce serait aussi pour un peuple frondeur et râleur comme le nôtre, un moyen d’expression qui pourrait connaître un trop grand succès. Les politiques, en voie de disqualification, ont raison de se méfier.
En Europe, il n’y a qu’un pays qui prend en compte les votes blancs ou nuls, c’est la Suède. Le sens civique des habitants de ce pays est sans doute différent du nôtre.
Quant à savoir les raisons du niveau de cette probable ou supposée abstention, il y a là un autre débat dans lequel les analystes peinent à s’accorder**.
Pau, le 5 avril 2012
Par Joël BRAUD
*Majorité absolue = la moitié des suffrages exprimés, hors votes blancs ou nuls, plus un.
** Voir aussi l’article de Daniel SANGO, « Lesbonimenteurs ».