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> Un sociologue et l’occitan |
27 février 2012, par Emmanuel Pène
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Le problème dans ce débat est l’insistance acharnée dont font preuve les occitanistes pour faire croire à la population qu’ils sont "occitans". N’oublions pas qu’il n’y a pas si longtemps, on pouvait lire sur les murs de Pau : "Ici c’est l’Occitanie, pas la France".
Plus c’est gros, plus on y croit ?
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> Un sociologue et l’occitan
27 février 2012, par larr
C’est une rengaine, limite obsessionnelle ! Il y a des occitanistes de droite, de gauche, du centre ... Les rares indépendantistes agissent, je suppose, dans le respect de la loi
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> Un sociologue et l’occitan |
27 février 2012, par larr
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Ce qui m’a frappé, dans ce vif débat, c’est l’incompréhension. Car en fait, tout le monde a raison !
Une langue, à l’état naturel, est dialectalisée. Elle n’est unifiée que par l’action d’un Etat, comme le français à partir du XVIe siècle. Il est donc normal que l’Occitan, puisqu’il n’a jamais existé d’Occitanie, soitr restée dialectalisée. P. Bourdieu ne dit pas autre chose.
Par contre, il se trompe sur un point : le terme lingua occitana apparâit au XIVe siècle... Il y a plus récent !
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> Un sociologue et l’occitan
27 février 2012, par Jean Lafitte
Il est exact que lingua occitana apparait dès l’aube du XIVe s., mais en latin, dans la convocation, le 14 aout 1302, par Gilles, archevêque de Narbonne, d’un concile à Nîmes ; il n’a là que valeur territoriale, comme plus tard le mot Languedoc.
Mais peu après 1337, on lit, Lingua Occica, toujours en latin, et désignant le territoire de Langue d’oc, comme région d’origine d’un noble décapité pour trahison, puis de barons ayant contribué à la prise de villes et châteaux en Gascogne (« Continuatio » de la Chronique latine de Guillaume de Nangis, Géraud (H.) éd., t. II, Paris, 1843, p. 158).
Et le 26 aout 1344, c’est lingua ocana, latin, qu’on trouve, avec une acception nettement linguistique, dans une lettre du pape Clément VI (Chartularium Universitatis parisiensis, Cartulaire de Université de Paris, Denifle (H.) et Chatelain (É.) éd., Paris, 1891, p. 552).
Avant le XXe s., nous n’avons AUCUNE ATTESTATION de l’expression en français, encore moins dans une quelconque langue d’oc. Alors que depuis 1313 (bientôt 700 ans !!), gascon, désignant la langue, n’a cessé d’être employé, en Gascogne et ailleurs ; et béarnais, de même, mais depuis 1533 seulement, en l’état de nos recherches.
Ainsi, dans son Thresor de la langue française (1606), le Nîmois Nicot, passe de occision à occultateur (p. 438) ; il ignore oc tout court, et à l’article langue, ne donne en exemples que « Langue Hebraïque, Grecque, Latine, Françoise, Alemande, Italienne, Espagnole », traduisant françoise par le latin gallica.
Sur le site de recherche « ARTFL Project » (Analyse et traitement informatique de la langue française) de l’Université de Chicago, une recherche simultanée sur le Thresor de la langue française de Jean Nicot (1606), le Dictionnaire critique de la langue française de Jean-François Féraud (Marseille, Mossy 1787-1788) et le Dictionnaire de L’Académie française 1ère (1694), 4ème (1762), 5ème (1798), 6ème (1835), et 8ème (1932-5) éditions ne donne rien pour « occitan » et ses dérivés.
Si l’on veut faire sérieusement l’histoire d’un mot ou d’une expression, il est essentiel d’en connaitre la langue, le domaine d’usage, la signification dans son contexte, et la société ou classe sociale qui en use.
> Un sociologue et l’occitan
27 février 2012, par Jean Lafitte
Ce matin, je n’ai répondu à « larr » que sur l’histoire de l’expression « lingua occitana » et surtout de son « signifié ». Ayant un peu de temps ce soir et peu d’envie d’attaquer un gros travail, je complète ma réponse par les aspects proprement linguistique et sociolinguistique.
Parler de « langue dialectalisée » suppose en toute rigueur que l’analyse des caractéristiques des parlers considérés révèle davantage de traits communs (donc langue) que de traits variables (dialectes). En fait, cette analyse n’a été faite qu’à l’époque moderne, par exemple par le Pr. Pierre Bec dans son Manuel pratique de philologie romane (2 tomes) de 1970-71. Et contrairement aux idées fort répandues chez les militants, il traite l’occitan, le catalan et le gascon (reste du domaine d’oc) comme trois langues distinctes au même titre que l’italien, l’espagnol, le portugais etc.
La notion même de « langue d’oc » n’est le fruit d’aucune recherche de l’espèce, mais l’expression d’un vague sentiment populaire des gens du Nord de la France à l’égard des parlers des gens du Midi rencontrés au XIIIe s. à l’occasion de la croisade albigeoise et de ses suites. Tout comme ils appelleront « Gascons » tous les gens du Midi à la suite de l’accession d’Henri IV au trône de France, appuyé par de nombreux soldats gascons.
Or l’acception linguistique de « langue d’oc » français disparaît après 1375, et n’a jamais eu de correspondant méridional avant le XIXe s. Son substitut moderne « occitan » date lui de la fin de ce même siècle.
Ainsi, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert est très claire au mot DIALECTE (t. IV, 1754, p. 933), article rédigé par le Marseillais César Chesneau, sieur Dumarsais (1676-1756) ; pour lui, ce mot, qu’il traite comme féminin, désigne une variété d’une « langue commune ». Et là, l’exemple donné ne laisse aucun doute sur sa pensée :
« Si le mot de dialecte étoit en usage parmi nous, nous pourrions dire que nous avons la dialecte picarde, la champenoise ; mais le gascon, le basque, le languedocien, le provençal, ne sont pas des dialectes : ce sont autant de langages particuliers dont le françois n’est pas la langue commune, comme il l’est en Normandie, en Picardie & en Champagne. »
Donc, en 1754, pour ce lettré né à Marseille, le provençal n’est que la langue de Provence, distincte du gascon et du languedocien, sans qu’il soupçonne une « langue commune » dont ils seraient les dialectes.
En 1836, deux érudits précurseurs du renouveau provençal conçoivent le projet d’une revue littéraire destiné à faire connaitre les poètes « de Provence, du Comtat, du Languedoc et du Dauphiné » ; ce projet n’aboutit pas, mais le prospectus destiné à le lancer lui donnait pour titre « Revue néo-latine. Patois du Midi », ce qui montre qu’ils ne disposaient pas encore de l’expression unitaire « langue d’oc » pour désigner collectivement ces parlers.
Le concept même de langue d’oc unique est une invention des romantiques largement popularisée par Mistral et nous vivons donc depuis 150 ans dans ce mythe d’une « langue d’oc dialectalisée » par manque d’état pour l’unifier, alors qu’il ne s’agit que d’un ensemble de parlers dont l’unité foncière est dans le latin parlé, relativement unifié, qu’ont appris les différents peuples du sud de la Gaule.
Si une dynastie avait réussi à réunir ces territoires en un état, elle l’aurait certainement dotée d’une langue administrative unique, qui aurait été celle du siège du pouvoir (comme l’a été le français du roi en France et le fut le béarnais dans les terres des comtes de Foix-Béarn), et non un amalgame savant des parlers vernaculaires.
L’erreur sociolinguistique de l’occitanisme a été de croire que l’on pourrait établir une langue unique sans état, mais comme base d’un état à construire : le résultat est qu’on n’a ni état, ni langue unique, ni malheureusement des langues multiples dont ce mouvement d’allure savante a contribué à décourager la transmission.
Donc si « larr » est frappé par l’incompréhension, je crois que c’est surtout l’ignorance générale de tout cela qui est à la source des dialogues de sourds.
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